Le toucher pianistique

Pour me contacter
cliquer icimailto:toucher-piano@orange.fr?subject=Toucher%20pianistique
 

IV. INTERVIEWS RÉALISÉES AUPRÈS DE PIANISTES PROFESSIONNELS


B. Résumé des réponses à l’interview

4. Le toucher et l’ouïe

Les discours sur le toucher, à ce stade de l’interview, mettent en évidence que le toucher en tant que geste ne constitue pas un repère stable. C’est pourquoi le questionnaire s’oriente sur l’importance de l’ouïe qui constituera le repère stable pour les pianistes : ils chercheront à retrouver, par leurs gestes, à traduire le plus exactement possible, la représentation mentale de la phrase musicale qu’ils portent en eux.

Cela rencontre l’unanimité des cinq pianistes : le travail de l’ouïe et l’acquisition d’une bonne oreille sont indispensables pour faire un bon pianiste. L’oreille est qualifiée de bonne si elle permet au pianiste d’avoir une représentation variée de différentes sonorités et si elle sait parfaitement entendre ce qui sort réellement du piano. Dominique Merlet dit combien cela n’est pas toujours acquis, même dans les grands niveaux.

Nous distinguerons deux niveaux dans l’étude de ce point :

  1. -Le rôle de l’ouïe dans la pratique du piano

  2. -Le toucher d’un pianiste peut-il s’entendre ?


• Le rôle de l’ouïe dans la pratique du piano

Le piano, par rapport à la majorité des autres instruments, présente la particularité d’offrir des sons justes dans leur intonation (à condition que l’instrument soit bien accordé). Pour cette raison, il offre au débutant l’avantage d’un son préparé. Par rapport à cette particularité, les avis sont unanimes : si cela représente un avantage au départ, cela peut retarder le moment de l’écoute de leur jeu et représenter alors un véritable handicap, d’autant plus que l’écoute est une réelle difficulté dans la polyphonie. Cette écoute doit pouvoir dissocier les deux mains et à l’intérieur du jeu, le rôle de chacun des doigts. « La question du toucher, je l’inclus toujours dans son environnement culturel : l’auteur, l’époque, la manière de différencier des plans (en isolant puis réunissant les touchers entre les deux mains, et mieux entre les doigts à l’intérieur de chaque main). » (Dany Rouet)

Ce que laisse entendre ce quatrième point, c’est que le jeu du piano est réalisé par un ensemble de gestes techniques qui permettent d’exécuter une pièce musicale. Mais c’est la qualité d’écoute et la finesse de son oreille qui permet au pianiste de développer une palette sonore variée au service de son imagination musicale.


Le rôle de l’ouïe est considéré par les cinq pianistes comme primordial.

Pour Michel Gaechter, il est important de souligner encore l’importance de prendre en compte, dans ce travail de l’oreille la spécificité de l’instrument. Il souligne la difficulté pour le pianiste, de réaliser la continuité d’une phrase avec un instrument dont la particularité est de ne pouvoir offrir, par sa réalité physique des sons naturellement enchaînés : « La place de l’ouïe, c’est à la fois l’idée du son que l’on a, par rapport à une œuvre et l’idée du son que l’on a, par rapport à un instrument […] Au piano, dans la mesure où le son diminue sans que l’on puisse agir pour l’en empêcher, il y a une distanciation nécessaire entre la ligne musicale, souvent continue, et la « physiologie » de l’instrument qui elle, ne l’est pas. Avec la réalité physique du piano, c’est une sorte d’illusion qui va aider à comprendre la ligne musicale. » (Michel Gaechter)

« [Le toucher] cela part de l’imagination sonore, de la tête ; quand même, c’est la tête qui commande, ce sont les oreilles qui commandent et cela aboutit à certains gestes. C’est là où l’on voit la qualité du pianiste. » (Dominique Merlet)

« Ce qui est essentiel, c’est que le toucher soit en relation avec l’oreille […] C’est dans l’imagination (qui est une écoute intérieure) que l’on trouve une sonorité. » (Amy Lin)

« L’écoute est vraiment indispensable. C’est la concentration dans l’écoute qui est importante et souvent, les pianistes ont tendance à ne pas assez écouter. Pour les autres instrumentistes, c’est sûr, ils ne peuvent faire l’économie de l’écoute […] La place de l’ouïe est primordiale, il faut que l’ouïe remplace le regard. » (Dominique Gerrer)

« L’ouïe a la première place. Tout part de l’oreille et la technique du piano, c’est l’oreille. On ne peut pas avoir une bonne technique si cela ne part pas de l’oreille. » (Dominique Merlet)


À la lecture des réponses à cette question sur l’ouïe, nous avons noté qu’elle constitue la partie la plus exigeante dans le travail sur le toucher. Non que les aspects de technique corporelle soient aisés à acquérir. Ils nécessitent des qualités physiques : une main bien adaptée à l’instrument, des qualités de coordinations et du travail, de l’endurance, de la patience.

Le travail sur l’oreille, quant à lui, nécessite des dispositions plus spécifiques. La pratique musicale, lorsqu’elle est élue, intervient souvent très tôt dans la vie. Il semble que ces qualités de précocité soient nécessaires en musique. En tout cas, la plupart du temps, les pianistes qui font carrière, ont commencé leur apprentissage très jeune.

Le travail sur l’oreille, c’est tout ce que l’on peut regrouper sous le terme de solfège auquel s’ajoute l’acquisition d’une culture musicale ; mais c’est aussi cette qualité d’objectivité d’écoute par rapport à la musique que l’on produit. Il ne suffit pas de savoir comment l’on joue et l’entendre. Il faut aussi trouver les solutions pour approcher au plus près l’idée musicale que l’on entend intérieurement. Cette idée musicale est un choix d’interprétation. Elle n’est réalisable que si le pianiste possède cette qualité d’écoute intérieure et la possibilité de contrôler, à la sortie, que son exécution retransmet bien son intention musicale.

« Celui qui joue est aussi celui qui écoute. Celui qui écoute et joue évolue dans le présent et le passé. Bien sûr, il entend l’attaque du son, il entend la résonance et comme il doit en même temps anticiper, il y a aussi le futur. » (Michel Gaechter)



• Est-ce que le toucher peut s’entendre ?

Dominique Merlet pense que dans une salle de concert, la plupart des auditeurs ne saisissent pas toutes les subtilités d’un jeu, que cela reste le privilège de quelques personnes. Voilà pourquoi sa réponse est : « On l’espère ! Cela dépend du talent des auditeurs, il faut le dire. » Dominique Gerrer limite, elle aussi, cette possibilité à des auditeurs exercés : « Je crois qu’un auditeur exercé peut entendre et reconnaître un pianiste qui se différencie par sa sonorité, donc par son toucher ».

Michel Gaechter : « Le toucher, c’est une notion réelle, physique, mais le toucher aura un résultat qui s’appelle le son, et lui, il peut s’entendre. Quand on parle de toucher de pianiste, on dit : Rubinstein a un type de toucher, Kempf en a un autre. Tous les pianistes qui ont une personnalité, ont une sonorité qui fait qu’on peut les reconnaître. »

Amy Lin et Dany Rouet introduisent dans leurs réponses, la notion de singularité du toucher qui sera abordée dans le point suivant.

« Le toucher, c’est comme une voix, chacun a une voix différente. » (Amy Lin)

« Le toucher peut s’entendre dans la mesure où il laisse entendre quelque chose de soi, de l’intérieur de soi. » (Dany Rouet)



M_4_B_1_c.html
               
M_4_B_1_e.html

 
M_4_B_1_e.html
M_4_B_1_c.html