Le toucher pianistique

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III. Le toucher pianistique dans la littérature


B. Quelques témoignages pris dans la littérature technique

1. L’enseignement de Franz Liszt : le témoignage de Bertrand Ott

   

Bertrand Ott est l’auteur d’un livre de référence sur Franz Liszt et la pédagogie du piano. Dans cet ouvrage, il tente d’appréhender la technique de jeu de Franz Liszt au moyen d’une recherche effectuée sur la base de multiples témoignages d’élèves et de disciples de ce dernier. Il consacre un court chapitre au toucher. L’auteur précise que Franz Liszt, lorsqu’il parle de toucher, englobe dans ce terme tous les éléments qui participent à la sonorité : le toucher digital bien sûr mais aussi l’aisance musculaire et la souplesse de la gestuelle. « Il [Franz Liszt] révélait une présence géniale. Le toucher dans l’acception de Liszt ne serait-il pas la présence du jeu ? » [14]

La présence du jeu dont parle l’auteur est l’interprétation par Franz Liszt d’œuvres dont il révélait le contenu grâce à une intuition musicale « géniale ».

Bertrand Ott part de cette question pour élaborer sa réflexion sur « le toucher selon Liszt ». Il signale à l’époque de la publication (1987), une tendance de la société musicale à se préoccuper du « beau son » et à installer la sonorité du côté d’une esthétique, en tant que telle, détachée de son contexte musical.

   

En dénonçant cette inclination de l’époque, l’auteur dit sa conviction qu’une sonorité trouve sa beauté dans la dynamique musicale. Pour lui, l’écoute exercée par le pianiste doit être dans l’anticipation du texte musical car c’est dans l’interprétation sensible du texte que le pianiste, « intuitivement » trouve la bonne sonorité. Le beau son isolé n’a pas de sens car il est dépourvu de la « présence musicale » contenue dans l’enchaînement du discours musical.

Le pianiste détermine les différentes sortes de touchers en fonction du style de l’œuvre à interpréter et de la spécificité du piano sur lequel il joue.    Il est alors impératif pour Bertrand Ott de revenir aux caractéristiques de la facture instrumentale du piano.

Qu’on parle de toucher lumineux, rond, sec ou brillant, c’est que ces touchers adaptent de manière plus ou moins harmonieuse la vitesse d’enfoncement des touches aux contours musicaux des partitions. Qu’une main soit grasse ou anguleuse ne change pas grand-chose : seule la rapidité avec laquelle une touche est « prise » pour être abaissée importe, à condition que cette rapidité corresponde à la nuance exigée et qu’elle ne rompe pas la continuité dynamique de tel ou tel passage. [15]


Bertrand Ott évoque les recherches de Marie Jaëll qui pensera, plus tard, découvrir la couleur du toucher par l’analyse des attaques musculaires et des empreintes digitales. Rappelons que pour Marie Jaëll, il y a corrélation entre la partie du doigt qui est en contact avec la touche et la couleur du son obtenu en bout de chaîne, lorsque le marteau frappe la corde. Ses recherches avaient été motivées par l’observation du jeu de Franz Liszt. Bertrand Ott souligne qu’en cherchant à pénétrer le secret de la sonorité de Franz Liszt, elle s’éloigne considérablement des conceptions de Franz Liszt sans apporter d’arguments synthétiques.

Citant Émile Bosquet [16], l’auteur redéfinit les caractéristiques de la technique du toucher par une citation d’une grande clarté :

La seule variable dont l’exécutant dispose est la vitesse du marteau. La variété prodigieuse des effets qu’un virtuose obtient à son piano est due à la gamme de vitesses différentes qu’il est capable d’imprimer aux marteaux, tout le reste est littérature. [17]


Il ne s’agit plus de savoir si une touche doit être prise avec le côté du doigt, ou la pulpe. Les moyens proposés ne se fixent pas sur les données physiologiques de la main puisque seule l’attaque des touches dans sa vitesse et sa dynamique permet au pianiste de réaliser les différentes expressions sonores.

La proposition d’Émile Bosquet replace le piano dans sa réalité d’instrument à percussion. Cet élan qui provoque la vitesse et la dynamique avec lesquelles le marteau va heurter la corde, est décidé et réalisé en fonction d’une sonorité choisie. Ce choix découle du contexte de la partition. Tout l’art du toucher consiste à réaliser sur le clavier les correspondances établies par le pianiste, entre l’ensemble des gestes techniques, qui produit le son et les intentions d’interprétation, qui en déterminent la couleur et assurent la cohérence du discours musical.





14 Ott Bertrand, Liszt et la pédagogie du piano, Essai sur l’art du clavier selon Liszt, Issy-les-Moulineaux, EAP, 1987, p.193.

15 Ibid., p.195.

16  Émile Bosquet fut l’élève de Ferruccio Busoni et l’auteur de Nouvelles méthodes de techniques du piano parue en 1939.

17 Ott Bertrand, op. cit. p.195.


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