Le toucher pianistique

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II. LE TOUCHER ET LA TECHNIQUE


B. Origine et évolution de la technique du piano

2. Deuxième période : La technique expérimentale


Pour les pianistes de cette deuxième génération, la technique occupe le premier rang. Cela va bouleverser leur statut. D’un côté ils perdront petit à petit cette fonction de « musicien à part entière » qui participait à l’écriture de la musique (puisqu’il leur revenait d’improviser leurs cadences dans le style de l’œuvre, sans indication du compositeur) pour gagner d’un autre côté la dénomination de spécialiste de la technique instrumentale.


La technique instrumentale se travaille par le biais d’exercices, d’études et les pédagogues conseillent de vaincre les difficultés par la répétition. Cette période est représentée par Karl Czerny, Adolphe Adam, Johan Nepomuk Hummel, Wilhelm Kalbrenner principalement. Sa caractéristique est la fascination pour la virtuosité. Rappelons que cette dernière est désormais possible grâce à l’invention du double échappement qui permet la répétition rapide des notes et leur enchaînement. Cette phase de la recherche se poursuit jusque vers 1880. Elle préconise le travail de la technique en dehors de tout travail de répertoire. C’est aussi la période de tous les excès, où l’on inventa des machines pour acquérir une « bonne » main (le guide-main de Wilhelm Kalbrenner 1831, le dactylion de Heinrich Hertz 1836). Les conseils donnés aux élèves étaient de travailler leur technique tout en lisant pour se distraire, séparant tout aspect musical de la technique. Les théoriciens modernes (après 1885) reprocheront aux pianistes de cette période leurs méthodes d’enseignement par répétition, sans réflexion et sans aucune explication au niveau des mouvements.

Frédéric Chopin, compositeur, pianiste et pédagogue est à l’origine de cette nouvelle étape dans l’enseignement du piano. Il dénonce les erreurs de l’enseignement pour proposer une nouvelle orientation :

On a essayé beaucoup de pratiques inutiles et fastidieuses pour apprendre à jouer du piano, et qui n’ont rien de commun avec l’étude de cet instrument. Comme qui apprendrait par exemple à marcher sur la tête pour faire une promenade. De là vient que l’on ne sait plus marcher comme il faut sur les pieds, et pas trop bien non plus sur la tête.  [9]


Cette citation, extraite d’une esquisse de méthode de piano que Frédéric Chopin projetait d’écrire, émet un avis critique sur les pratiques d’enseignement antérieures. Il optait pour une technique respectant la morphologie de la main et intégrant les mouvements de la main, du poignet, du bras au service d’une sonorité plus riche. Il réservait une grande place à la musicalité et préconisait de toujours mettre en relation l’étude de la technique avec l’étude des grandes œuvres.


Dans un excellent ouvrage sur les techniques pianistiques, qui est en fait le texte de sa thèse de Doctorat présentée en 1965, Gerd Kaemper évoque l’enseignement de Franz Liszt. Il voit en lui deux personnages : l’un professeur, l’autre pianiste d’instinct génial, avançant l’idée « qu’en tant que génie d’instinct, Franz Liszt ou bien écartait tout le problème de la technique, ou bien recommandait de bonne foi à ses élèves ce qu’il avait appris dans sa jeunesse, sans se rendre compte qu’il faisait exactement le contraire ». [10] En tant qu’enseignant, il ne donnait pas de réponse aux mystères de la technique pianistique :

Certes, le maître de Weimar avait tout expliqué sur la technique transcendante : tout, sauf ce point inconnu où l’élan vertigineux de ses mouvements prenait appui, où ses doigts captaient cette inégalable sonorité. Si l’on parvenait à imiter ce jeu, on ne l’atteignait jamais dans son essence : les élèves se résignaient devant l’énigme.  [11]


Son jeu était extraordinairement varié et ses apparitions sur scène déchaînaient les passions. Outre le charisme évident de Franz Liszt, il semblerait qu’il n’y ait pas eu de la part de Franz Liszt de prise de conscience de l’évolution de son jeu pendant sa carrière. Il jouait en quelque sorte de façon instinctive et ne savait pas le transmettre.




9 Chopin Frédéric, Esquisse pour une méthode de piano, textes réunis par Jean-Jacques Eigeldenger, Paris, Flammarion, 1993, p.40.

10 Kaemper Gerd, Techniques pianistiques. L’évolution de la Technologie Pianistique, Paris, Alphonse Leduc, 1968, p.27.

11 Jaëll Marie, Le mécanisme du toucher. L’étude du piano par l’analyse expérimentale de la sensibilité tactile, Paris, Copyrama, 2/1998, Préface.


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