Le toucher pianistique

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III. Le toucher pianistique dans la littérature


B. Quelques témoignages pris dans la littérature technique

3. Pédagogies basées sur la singularité du pianiste


La recherche sur les témoignages récoltés dans les recueils de technique s’est poursuivie par la lecture des écrits, sur ce sujet, de Marguerite Long (1874-1966) et d’Alfred Cortot (1877-1962). Nous avons choisi de les traiter ensemble car ils insistent, dans leur pédagogie, sur la notion de l’individualité du pianiste.


    a) Marguerite Long

Le piano de Marguerite Long est un ouvrage de technique dans lequel figure un grand nombre d’exercices techniques regroupés en plusieurs chapitres. Publié en 1963, soit trois années avant le décès de l’auteur, on y trouve, en préface, un long texte qui est une sorte de testament pédagogique.

D’emblée, Marguerite Long donne le ton de son ouvrage en énonçant qu’il ne peut y avoir de vérité théorique en matière de technique pianistique, ce qui représente une sorte de mise en garde pour les exercices proposés ensuite et lui permet de dire sa conviction pour une « pédagogie différenciée » :

Dans le domaine de la technique, il n’y a que des cas d’espèce. Il faut tenir compte de l’individualité psychologique et physiologique du pianiste, à sa conformation anatomique, à sa structure, à sa taille, à sa force, à ses écarts naturels. [24]


Son discours introductif contraste avec le côté rigoureux de son ouvrage technique. Elle exprime, avec enthousiasme, son idéal et ses « croyances » en musique. Proche des convictions de Marie Jaëll pour ce qu’il en est des sensations tactiles, elle attribue aux mains du pianiste le rôle de médiateur de leur spiritualité :

Le perfectionnement suprême de la main ne sera obtenu que, lorsque quittant le pur mécanisme, elle abordera le stade sensible de sa mission[…] La technique, c’est le toucher, c’est la possession d’une vaste palette expressive dont le pianiste peut disposer à son gré, selon le style des œuvres qu’il a à interpréter et selon son inspiration. » Puis transposant un propos du peintre Dolent elle dit : « le pianiste doit avoir la main de son cœur. [25]


Qu’est-ce : « avoir la main de son cœur » ? D’un point de vue métaphorique, le cœur est le siège des émotions, des sentiments. Il ne s’agit pas d’une exhortation au sentimentalisme, ni une invitation au plaisir narcissique car Marguerite Long insiste, tout au long de sa méthode, sur le respect du texte. Elle choisit le mot inspiration pour expliquer qu’au-delà du contexte technique, le pianiste interprète, à travers les qualités de son toucher, un texte musical revisité par sa sensibilité. En technicien qu’il est, le pianiste a, dans son travail, pensé et choisi chaque inflexion de la phrase musicale. Au moment du concert, libre et confiant par tout ce travail, il pose ses mains sur le clavier, et sa musique surgit.

L’interprétation n’est pas le résultat d’un montage supérieurement combiné, elle est, en définitive, l’acte d’un artiste vivant, spontané, inspiré. Le style du pianiste, s’il en a, c’est son goût, son âme ; c’est sa nature même, d’autant mieux libérée, d’autant plus éloquente, qu’il sert plus scrupuleusement le texte des maîtres. [26]


Marguerite Long, tout comme Heinrich Neuhaus pense que l’interprétation est l’acte responsable d’un artiste et elle insiste sur l’aspect moral de la profession d’interprète, d’artiste.

Son texte développe tout au long de sa préface deux aspects :

- Le premier est fait de l’exigence et la rigueur qui est propre à tout l’aspect technique de la pratique instrumentale et à l’éthique du musicien ;

- Le deuxième insiste sur la place de l’interprète en tant qu’être vivant, « spontané et inspiré » et sur la place qui est faite à son style. Et c’est dans cette logique qu’elle conclut sa longue préface :

Votre éducation technique sera vaine et stérile si elle n’est pas transfigurée par un idéal.




24 Long Marguerite, Le piano de Marguerite Long, Paris, Salabert, 1963.

25 Ibid., Chapitre IX.

26 Ibid., Chapitre XVIII.


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